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Le regard de Claude Samuel
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Le regard de Claude Samuel
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8 février 2010

Le destin d’un visionnaire

Je n’ai pas connu le fameux théâtre de Claude-Nicolas Ledoux à Besançon. La première fois que j’ai assisté, en qualité de critique musical de L’Express, au festival de la capitale franc-comtoise, on m’accueillit avec des mines désolées : « Notre théâtre a brûlé l’année dernière ! » Et, mine non moins désolée : « On a construit sur ce même emplacement un nouveau théâtre, qui ressemble à une salle de cinéma ! ». C’était vrai, mais on s’y habitua ; et il aura fallu attendre un demi-siècle pour qu’une association (« Espace 7 », http://theatreledouxbesancon.blogspot.com/) lance le projet d’une reconstruction à l’identique. Comment ne pas signer la pétition rédigée à cette occasion quand on sait que Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806) fut un architecte visionnaire, qu’il fut le génial maître-d’œuvre de la Saline d’Arc-et-Senans (classée au titre des monuments historiques de la France et au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1982) et que la plupart de ses réalisations ont disparu, sans compter quelques extraordinaires projets utopiques qui restèrent dans ses cartons ? Quant au théâtre, il disposait d’un parterre - grande nouveauté ! - garni de fauteuils destinés aux abonnés, de premières loges pour la noblesse, de secondes loges pour la bourgeoisie, d’un amphithéâtre où le peuple – insigne faveur – pouvait être assis. Bref, témoignage, selon le sentiment de chacun, de la mixité sociale ou de la hiérarchie des classes.

C’est donc en ce lieu bafoué que j’ai découvert, en 1959, l’un des plus grands chefs de notre époque : Seiji Ozawa, candidat au Concours de direction de Besançon. Nous en étions à la finale et, parmi différentes épreuves, les postulants devaient diriger une (brève) œuvre nouvelle dont on venait de leur livrer la partition. L’auteur : Eugène Bigot, compositeur et chef d’orchestre gentiment routinier qui avait officié jadis à la tête de l’Orchestre Lamoureux et dans la fosse de l’Opéra-Comique ; ce soir-là, il présidait le jury et avait, d’entrée de jeu, pris la baguette pour diriger sa propre partition. Musique d’une platitude insigne… Vint Seiji Ozawa : même partition, mais une tout autre musique ; la démonstration était tellement éclatante que j’ai le souvenir d’une salle enthousiaste, éclatant de rire (y compris les membres du jury, installés dans un coin de la scène) – la carrière de notre ami Seiji, auquel nous souhaitons aujourd’hui de recouvrer très vite une parfaite santé, était lancée.

Encore un mot sur le pauvre Ledoux : il fut arrêté le 29 novembre 1793 par le Comité révolutionnaire, accusé d’avoir travaillé pour la comtesse du Barry et de ne pas avoir applaudi sincèrement à l’exécution de Louis XVI ; il fut sauvé in extremis par la chute de Robespierre. Enfin, un conseil : pensez à lui quand vous passez à proximité des anciennes barrières d’octroi de Paris (à la Villette, à Denfert-Rochereau, à la Nation…) et, bien entendu, en attendant la reconstruction du théâtre, faites de toute urgence le pèlerinage aux Salines !

Cas de conscience
Litanie de la désolation : il n’y a plus de compositeurs ! Où est le Beethoven de notre époque, sinon le nouveau Messiaen, le Stockhausen du XXIème siècle ? Pour une réponse argumentée et précise, mieux vaut attendre encore quelques années ; mais je puis dès maintenant rassurer les mélomanes qui visent le tarissement de l’inspiration : le Centre Acanthes, que je me permets de citer ici, n’a jamais enregistré autant de demandes de participation aux ateliers de composition. Plus de deux cent postulants ont adressé un dossier bien fourni (CV, partitions, éléments musicaux). Les sélectionneurs (compositeurs et chefs d’orchestre du prochain Centre) auront quelques cas de conscience pour passer de deux cents à .. trente-six ! Pour ces trente-six-là, c’est à Metz, du 2 au 16 juillet, que sonnera l’heure de vérité. Et si un Beethoven, ou un Stockhausen…

Toutes informations sur le site : http://www.acanthes.com/


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