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Le regard de Claude Samuel
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Le regard de Claude Samuel
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29 mars 2010

Bayreuth, toujours aux mains de la famille…

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Son grand-père était mort depuis trente-six ans lorsqu’il naquit à Bayreuth. Wolfgang, fils de Richard, vient, à son tour, de quitter ce monde – à Bayreuth, bi en entendu. Même si la lignée est assurée, c’est un vrai séisme pour la famille Wagner et, par voie de conséquence, pour ce Festival de Bayreuth qui fut toujours lieu de pèlerinage et terre de conflits. Après la dernière guerre et l’épopée néo-hitlérienne dont Cosima Wagner fut l’instigatrice, après la cure de dénazification (la scène du Festspielhaus profanée par des comédies musicales offertes à des militaires américains !), les deux petits-fils du maître furent là, pour recueillir l’héritage : Wieland, l’aîné, et Wolfgang. Deux destins hautement dissemblables. Le premier, metteur en scène novateur et, on peut ajouter, prophétique ; c’est lui qui évacua les accessoires traditionnels pour une Tétralogie historique et plongea la scène du Festspielhaus dans la pénombre. Le second fut d’emblée l’administrateur, et le partage des rôles aurait été parfait si Wolfgang n’avait pas eu, de son côté, des velléités de mise en scène, sans avoir les moyens d’une véritable créativité, et si le plus doué du duo, pas encore quinquagénaire, n’avait succombé à un cancer laissant son cadet régner dans les bureaux et sur la scène de la Colline sacrée pendant quarante-quatre ans. Wolfgang, auto-désigné « directeur à vie », fut le maître absolu, en effet, mais absous cependant, puisqu’il passera dans l’histoire de Bayreuth comme l’homme du coup d’éclat, celui qui, pour célébrer en 1976 le centenaire du théâtre, eut le culot d’inviter une équipe française dont le travail fit trembler le dernier carré des wagnériens intégristes : Pierre Boulez et Patrice Chéreau.


wagnerLa suite est encore à déchiffrer, Wolfgang, après divers revirements, ayant décidé de confier l’avenir de Bayreuth à deux de ses descendants : la jeune Katharina (fille d’un second mariage) et sa demi-sœur Eva, écartant ainsi les éventuels prétendants de la branche Wieland. Pas d’inquiétude néanmoins : si querelle de famille il y a, ce ne sera pas une nouveauté ; certains membres de la famille ont toujours été insupportables, iconoclastes et, finalement, plus ou moins exclus de la légende. Ainsi en fut-il de Friedelind Wagner, sœur de Wieland et de Wolfgang, qu’Hitler aimait à recevoir en tête-à-tête jusqu’au jour où l’adolescente lui dit effrontément : « Mais pourquoi martyrisez-vous les Juifs ? » Grâce à l’aide de Toscanini, elle fila alors au Etats-Unis, et, sa mère, l’horrible Winifred, en fut fort marrie. Ne pas manquer l’autobiographie de cette révoltée, disponible dans une réédition de « Mémoire du Livre ».

Mais de cette écume de l’histoire musicale, finalement, Bayreuth n’en a cure ; le festival reste une affaire florissante, et la race des wagnériens n’est pas prête de s’éteindre. Les Japonais affluent chaque été en Bavière, eux aussi.


Une tempête de neige

Il vous reste encore quelques semaines pour visiter l’exposition Turner au Grand Palais, mais ne la manquez pas. C’est une excellente façon de comprendre pourquoi la modernité est une valeur hors du temps – pourquoi, par exemple, dans le monde de la composition musicale, Varèse est mille fois plus moderne que son contemporain, largement son cadet, Jean Françaix ; et pourquoi la modernité est, avant tout, affaire d’inventivité, de conduite aventureuse et de lucidité. La deuxième leçon de la magnifique exposition du Grand Palais, bien nommée « Turner et ses peintres », est le passage obligé des artistes les plus novateurs par l’étude des modèles, que l’on admire avant de les dépasser. Pour Turner, il s’agit par exemple, du Titien et de Watteau ; pour Schoenberg, de Brahms et de Wagner ; pour Boulez, de Webern et de Claude Debussy. L’art du dépassement, en effet, mais accordé au respect des maîtres. Enfin, troisième leçon, la non-concordance des temps en matière artistique. La musique toujours en retard ou, si l’on préfère, la peinture (et la littérature) toujours annonciatrices. Il s’agit, en quelque sorte, de la pesanteur des sons, qui n’ont rien d’autre à offrir qu’eux-mêmes. Illustration : dans la Tempête de neige, un Turner de 1842, j’entends déjà La Mer de Claude Debussy, de 1905 !

 

Avant-première 

Le Qwartz, marché international des musiques nouvelles, aura lieu vendredi et samedi prochains (2 et 3 avril), dans un « Palais », mais oui, qui fut jadis le rendez-vous quotidien des financiers et, à l’époque, uniquement ouvert aux hommes ( !). Aujourd’hui où la finance est dématérialisée, que faire de ce Palais Brongniart, dont nous devons la construction à ce misogyne de Napoléon ?  Un lieu d’accueil pour salons, séminaires et réceptions. Or, au service de la musique, le Palais Brongniart rassemble depuis plusieurs années les acteurs des technologies de pointe. Le Centre Acanthes qui, dans quelques mois, consacrera une partie de son activité aux techniques informatiques grâce à la présence des équipes de l’Ircam, sera donc un des partenaires de Qwartz à la fin de cette semaine. Quant au programme d’Acanthes 2010, il est naturellement déjà consultable sur le site d'Acanthes

 


Consultez la chronique de Claude Samuel dans la revue Diapason d'avril : "Ce jours-là : 30 mars 1973 ".

 

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Commentaires
M
Cher Claude,<br /> En toute amitié je te suspecte de complaisance envers les héritiers de la famille Wagner qui exploitent à mort le filon....<br /> Comment ne pas mentionner Gottfried Wagner le clairvoyant le pur aussi exhaustif autrement que Siegfried Wagner également, qui avait tenu tête à l'ignoble dictateur, -Sigfried Wagner dont l'oeuvre lyrique est plus qu'estimable. Gottfried a dénoncé les turpitudes des Wagner en une autobiographie incontournable qui tu te dois de mentionner : L'HERITAGE WAGNER. Ce que tu ne feras sans doute pas !<br /> Amitiés, et sans rancune, <br /> Paul
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